Par Frédérique  DINSENMEYER, psychomotricienne, Responsable du Ministère Auprès des Enfants. Télécharger cet article en PDF.


Combler le vide?

Dans nos vies qui se déroulent souvent à mille à l’heure, où nous enchaînons le travail, l’école, les activités sportives ou culturelles et la vie d’église, nous n’avons que peu de place pour vivre le temps qui s’écoule. Dès que nous avons un instant, nous sautons sur l’occasion pour aller consulter les derniers messages sur WhatsApp, vérifier nos notifications Facebook, partager une vidéo YouTube,… Au quotidien, nous sommes stimulés en permanence, ce qui peut engendrer une réelle panique lorsque notre emploi du temps est bouleversé, que notre planning se vide.  Nous  essayons  alors  de nous  accrocher  à  ces repères numériques qui deviennent insatisfaisants car insuffisamment nourrissants en temps de crise. Ainsi, les médias prennent une grande place dans notre quotidien de confinés: pour télétravailler lorsque cela est possible, pour faire l’école à la maison, pour accéder aux informations qui se répètent en boucle, pour nous divertir, mais aussi pour vivre nos cultes, pour rester reliés les uns aux autres….Nous pouvons alors chercher à remplacer ce qui constitue nos habitudes, continuer de remplir nos vies de toutes les manières.

Et si…nous nous autorisions aussi le temps de la pause, de la jachère, de l’ennui. Et si cette période nous permettait, malgré ce qu’elle comporte de souffrances et d’inquiétudes, de nous reconnecter à nos proches, à notre conjoint, à nos enfants, à notre Dieu! Et si nous prenions le temps de nous reconnecter à la parole divine, à sa méditation, si nous nous reconnections à notre vie intérieure, à nos motivations profondes, à ce qui donne du sens à notre existence?

« Je m’ennuie »

Notre société valorise l’utilisation rentabilisée du temps et l’ennui est plutôt mal vu. Lorsqu’un enfant nous dit qu’il s’ennuie, notre premier réflexe est souvent de lui proposer toutes les activités qui nous passent par la tête, projetant ainsi peut être aussi notre angoisse du vide. Sommes-nous capables de laisser notre enfant s’ennuyer? Les psychologues s’accordent pour dire que l’ennui est bénéfique lorsque les angoisses ou la tristesse ne prennent pas le dessus. Lorsqu’il s’ennuie suffisamment longtemps, l’enfant développe des capacités d’imagination et de création, en s’appuyant sur sa perception des situations et ses envies. Il apprend par là qui il est, construit son identité, trouve des centres d’intérêts qui lui sont propres. L’enfant qui s’ennuie peut trouver seul comment se sortir de cette sensation désagréable et c’est une compétence qui lui sera bien utile. Il trouve des solutions auxquelles il n’aurait jamais pensé si ses parents lui avaient évité cette émotion inconfortable.

L’ennui possède en effet plusieurs effets positifs:

  • l’enfant va développer son autonomie
  • il apprend à« être seul avec lui-même»
  • il cultive sa créativité
  • il va construire une vision du monde différente, ayant appris à ne pas se tourner vers la facilité, mais sachant prendre le temps de voir les situations sous un autre prisme.

Et sur le plan de la spiritualité?

Cette expérience peut nous permettre de retrouver le chemin de notre cœur, de retrouver nos motivations profondes, le sens de nos actes. De retrouver une relation plus authentique avec notre Sauveur.

Cela a forcément un impact sur notre vécu familial, sur nos relations mutuelles. La manière dont nous les parents mettons notre confiance en Dieu durant ces moments particuliers influence nos enfants. Nous pouvons aussi prendre le temps de partager notre vécu, la manière dont Dieu a changé notre vie et continue de la transformer en profondeur.

Nous pouvons instaurer des rituels, nécessaires à la structuration du temps de nos journées, nous retrouver en famille pour lire un texte biblique, choisi par l’un ou l’autre, prier ensemble.

Quelques conseils

  • Organisons et séquençons nos journées: culte familial à 9 h, puis matinée de travail, puis repas, puis jeux, puis exercice physique, etc… en veillant à conserver de bonnes habitudes sanitaires.
  • Réfléchissons en famille à l’organisation des temps spirituels, afin que nos enfants s’en approprient le fonctionnement
  • Fixons des temps de pause dans l’utilisation des médias afin de ne pas être sous leur joug permanent (même pour la« bonne cause»)
  • Profitons-en pour développer l’autonomie de nos enfants dans les tâches quotidiennes (s’habiller seul, participer à la cuisine, au ménage, etc.)
  • Alternons des moments ensemble (repas, temps de jeux,…) et des moments où chacun est libre d’être seul.
  • Choisissons un objectif ou un défi quotidien
  • Gardons le contact avec les personnes isolées ou angoissées par la situation ou celles ayant des besoins spécifiques…mais aussi les amis
  • Redécouvrons les« trésors» cachés: albums photos, puzzles, jeux oubliés…

Si nous manquons d’idées, nos enfants en ont sûrement à partager!

La pire des solitudes n’est pas d’être isolé de son entourage, mais de s’ennuyer en sa propre compagnie.

Jacques Salomé

Celui qui connaît l’art de vivre avec soi-même ignore l’ennui.

Erasme

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